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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Guillaume Amfrye, Abbé de Chaulieu 1639–†1720

177. Stances

A la Solitude de Fontenay

C’EST toi qui me rends à moi-même;

Tu calmes mon cœur agité;

Et de ma seule oisiveté

Tu me fais un bonheur extrême.

Parmi ces bois et ces hameaux

C’est là que je commence À vivre;

Et j’empêcherai de m’y suivre

Le souvenir de tous mes maux.

Emplois, grandeurs tant désirées,

J’ai connu vos illusions;

Je vis loin des préventions

Qui forgent vos chaînes dorées.

La cour ne peut plus m’éblouir;

Libre de son joug le plus rude,

J’ignore ici la servitude

De louer qui je dois haïr.

Fils des dieux, qui de flatteries

Repaissez votre vanité,

Apprenez que la vérité

Ne s’entend que dans nos prairies.

Grotte d’où sort ce clair ruisseau,

De mousse et de fleurs tapissée,

N’entretiens jamais ma pensée

Que du murmure de son eau.

Bannissons la flatteuse ideée

Des honneurs que m’avaient promis

Mon savoir-faire et mes amis,

Tous deux maintenant en fumée.

Je trouve ici tous les plaisirs

D’une condition commune;

Avec l’éclat de ma fortune

Je mets au niveau mes désirs.

Ah! quelle riante peinture

Chaque jour se montre à mes yeux,

Des trésors dont la main des Dieux

Se plaît d’enrichir la nature!

Quel plaisir de voir les troupeaux,

Quand le midi brûle l’herbette,

Rangés autour de la houlette,

Chercher le frais sours ces ormeaux;

Puis sur le soir, à nos musettes

Ouïr répondre les coteaux,

Et retentir tous nos hameaux

De hautbois et de chansonnettes!

Mais hélas! ces paisibles jours

Coulent avec trop de vitesse;

Mon indolence et ma paresse

N’en peuvent suspendre le cours.

Déjà la vieillesse s’avance;

Et je verrai dans peu la mort

Exécuter l’arrêt du sort,

Qui m’y livre sans espérance.

Fontenay, lieu délicieux,

Où je vis d’abord la lumière,

Bientôt, au bout de ma carrière,

Chez toi je joindrai mes aïeux.

Muses, qui dans ce lieu champêtre

Avec soin me fîtes nourrir,

Beaux arbres, qui m’avaient vu naître,

Bientôt vous me verrez mourir!

Cependant du frais de votre ombre

Il faut sagement profiter,

Sans regret, prêt à vous quitter

Pour ce manoir terrible et sombre,

Où de ces arbres, dont exprès

Pour un doux et plus long usage

Mes mains ornèrent ce bocage,

Nul ne me suivra qu’un cyprès.