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St. John Lucas, comp. (1879–1934). The Oxford Book of French Verse. 1920.

Nicolas-Laurent-Joseph Gilbert 1751–†1780

198. Adieux à la vie

J’AI révélé mon cœur au Dieu de l’innocence;

Il a vu mes pleurs pénitents;

Il guérit mes remords, il m’arme de constance:

Les malheureux sont ses enfants.

Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère:

‘Qu’il meure, et sa gloire avec lui!’

Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père:

‘Leur haine sera ton appui

‘A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage.

Tout trompe ta simplicité

Celui que tu nourris court vendre ton image,

Noire de sa méchanceté.

‘Mais Dieu t’entend gémir, Dieu vers qui te ramène

Un vrai remords né des douleurs,

Dieu qui pardonne enfin à la nature humaine

D’être faible dans les malheurs.

‘J’éveillerai pour toi la pitié, la justice

De l’incorruptible avenir;

Eux-mêmes épureront, par leur long artifice,

Ton honneur qu’ils pensent ternir.’

Soyez béni, mon Dieu, vous qui daignez me rendre

L’innocence et son noble orgueil,

Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre,

Veillerez près de mon cercueil!

Au banquet de la vie, infortuné convive,

J’apparus un jour, et je meurs;

Je meurs, et sur ma tombe, où lentemėnt j’arrive,

Nul ne viendra verser des pleurs.

Salut, champs que j’aimais! et vous, douce verdure!

Et vous, riant exil des bois!

Ciel, pavillon de l’homme, admirable nature,

Salut pour la dernière fois!

Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée

Tant d’amis sourds à mes adieux!

Qu’ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée,

Qu’un ami leur ferme les yeux!